Ce blog reprend les "Lettres de Direction" susceptibles d'intéresser la communauté éducative

jeudi 16 juin 2011

La question des examens : une intervention de Philippe Tournier sur Educpro.fr

« La triche officialisée, c’est la calculatrice »


Proviseur au lycée Marcelin-Bertellot de Saint-Maur (94), Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-UNSA (Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale), tire la sonnette d’alarme sur le problème de la triche au lycée. D’après lui, le problème va aller en s’aggravant, et l’école doit agir vite afin de prendre en compte l’évolution des nouvelles technologies.

La triche est-elle devenue un problème au lycée ?

La législation actuelle n’est pas adaptée aux nouvelles technologies. La triche officialisée, c’est la calculatrice. Cela fait quelque temps qu’on peut intégrer dans sa calculatrice des données sans rapport avec les calculs, son cours, des exercices par exemple. C’est bien pour ça que la calculatrice est interdite dans d’autres matières. Le problème est que, si l’on n’autorise plus la calculatrice en sciences, il faut changer le programme de mathématiques et de physique-chimie.

Une solution serait d’acheter des calculatrices de base qui seraient la même pour tous. Cela a été un temps suggéré puis abandonné faute de moyens sans doute. En attendant, on maintient une situation hypocrite.

La généralisation des smartphones a-t-elle amplifié le phénomène ?

Tout à fait. On a beau surveiller les candidats, leur demander de poser leur sac au fond de la classe, comment lutter contre celui qui va aux toilettes avec son téléphone pour regarder des cartes, trouver des citations, des définitions, un corrigé, voire envoyer un texto. On ne peut pas faire de fouille intégrale à l’entrée des toilettes !

Ce n’est d’ailleurs pas un problème uniquement français, tous les pays sont soumis aux mêmes difficultés. Mais seule la France est confrontée à ce point. Car, en France, l’écrit est généralisé aux examens. Dans d’autres pays, la place de l’oral a plus d’importance, à l’occasion de l’entrée dans l’enseignement supérieur notamment. C’était le cas en France aussi à la création du bac, mais peu à peu l’écrit a supplanté l’oral car c’était devenu trop coûteux.

Que préconisez-vous pour lutter contre la triche ?

La forme des épreuves doit être rapidement repensée car le problème va aller en s’aggravant. L’école doit prendre en compte l’évolution des nouvelles technologies. On ne peut pas faire comme si rien n’avait changé, c’est un combat perdu d’avance. C’est comme la Sorbonne qui était contre l’imprimerie au XVe siècle. De toute façon, est-ce qu’il est toujours utile de déployer un système aussi cher et lourd que le bac en termes d’organisation, pour un examen qu’on obtient dans 85 % des cas. Si au moins cela permettait de vérifier que les candidats ont acquis des connaissances, mais ce n’est même pas le cas. La preuve, le bac n’apporte même pas la certitude qu’un bachelier est capable de faire une dissertation.

Je pense qu’il serait préférable de garder seulement trois épreuves avec les matières principales, sous forme d’oral, le reste pourrait être noté en contrôle continu comme l’EPS (éducation physique et sportive) actuellement. Il faudrait que ce soit un oral sans préparation, pour éviter que les élèves sortent leurs antisèches. Le problème est que François Fillon avait déjà proposé un bac en contrôle continu, et s’était heurté à l’époque à la fronde des étudiants. C’est dommage, car c’est une peur irrationnelle. En effet, lorsque les élèves de terminale postulent dans l’enseignement supérieur, les notes du bac ne sont pas encore connues. Seules celles des bulletins sont prises en compte.

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